Article paru dans les "Nouvelles d'Arménie Magazine" en 2008

Nous connaissons tous l’'UMAF (Union Médicale Arménienne de France), qui depuis de nombreuses années, mène plusieurs actions de front en Arménie. De retour d’une mission, nous avons rencontré son Président, le Dr Frédéric Manoukian et nous avons fait le point sur les activités de l’'UMAF-Paris.

Dr Manoukian, présentez nous l’'UMAF en quelques mots :

L’'UMAF est une association créée en 1975 par le Docteur Serge SIMONIAN, chirurgien, maintenant Président d'’Honneur, ainsi que le Docteur Michel DERVICHIAN, gastro-entérologue, Membre d’Honneur, qui sont à l'origine de ce projet. L’'UMAF regroupe les médecins, chirurgiens-dentistes, pharmaciens, vétérinaires, biologistes et paramédicaux d'origine arménienne, ainsi que les étudiants de ces différentes spécialités. Au départ a été créée l'’UMAF-Paris. Il existe deux autres groupes de l’'UMAF qui ont été crées à Lyon, également en activité, puis à Marseille, actuellement en sommeil. Nous entretenons d’'amicales relations avec l’'UMAF-Lyon par le biais de l'’UMAF-France qui chapeaute nos deux organisations.

Le but de l'association est de développer des relations amicales entre ses membres. L'UMAF a également un caractère culturel, scientifique et communautaire. Ces actions au départ essentiellement parisiennes, ont été étendues en 1978, à la suite de la 1ère visite de l'’UMAF en Arménie Soviétique, puis se sont intensifiées après le tremblement de terre de 1988 pour continuer jusqu’à nos jours avec la République d’'Arménie, ce qui représente plus de 20 ans d’activités de l'’UMAF sur place.

Quelles sont vos activités "parisiennes " ?

Comme indiqué dans nos statuts, l’'UMAF a une vocation médicale mais aussi culturelle et communautaire. Pour cela, le 3ème vendredi de chaque mois, nous organisons une soirée dans les locaux du Yan'’s Club et nous alternons les thèmes scientifiques et arméniens. Concernant les activités culturelles, une de nos membres organise 5 à 6 fois dans l’année des visites de musées ou d’exposition qui rencontrent toujours un vif succès. Lors de nos soirées, nous recevons des professeurs de médecine aussi bien français qu’'arméniens pour des exposés toujours à la pointe des connaissances actuelles. Les soirées à thème « arménien » ou en relation avec l’'Arménie peuvent donner lieu à des réunions très diverses. Nous avons reçu récemment des écrivains, tels Alexandre Delvalle, Sevag Torossian, Philippe Videlier, Vartan Berberian, Yves Ternon, des politiques tels Patrick Devedjian René Rouquet ou André Santini, des historiens comme Claude Mutafian ou Raymond Kevorkian, des cinéastes comme Robert Guédiguian ou Serge Avedikian qui nous a projeté son film "Retourner". Dernièrement, et c’était une nouveauté à l’'UMAF, nous avons eu un concert piano-violon autour de la musique arménienne. Toutes ces activités se terminent par un dîner pris en commun et qui resserre les liens d’'amitié entre les différents membres.

J'’ajoute à cela que l’'UMAF organise régulièrement pour ses membres des voyages culturels et scientifiques à l’'étranger. Le dernier grand voyage fut consacré à la Syrie et c’était une belle réussite. Mais l'’UMAF-Paris a participé plus récemment au voyage au Viêt-Nam, organisé par l’'UMAF-Lyon. Nous avons également un journal qui parait 4 fois par an et qui est adressé à plus de 1000 exemplaires à nos membres et sympathisants. Enfin, notre site Internet www.umaf.fr mis régulièrement à jour nous permet de créer un lien entre nos membres et de faire connaitre notre association de par le monde. Le site Internet nous a permis également de recruter de nouveaux membres.

D'’autres activités sur Paris ?

Nous recevons régulièrement des médecins d’Arménie que nous hébergeons dans l'’appartement mis à notre disposition par la mairie d’Alfortville et nous leur en sommes très reconnaissants. A ce jour, plus de 150 médecins ont été reçu et habité cet appartement que nous mettons gratuitement à leur disposition. Ces médecins sont employés comme FFI (faisant fonction d’'interne) dans les différents hôpitaux où ils sont affectés. Nous avons également, toujours à Alfortville un local encore une fois mis à notre disposition par la mairie, qui nous permet de stocker le matériel que nous regroupons avant de l'’envoyer en Arménie. Ces envois ont commencé en 1990, matériels médicaux et médicaments destinés à l’Arménie et au Karabagh, et ce régulièrement, une à deux fois par an. Toutefois, dans la mesure où nous pouvons maintenant pratiquement tout acheter sur place, je pense que ces envois vont diminuer étant donné les frais de transport qui représentent une forte dépense pour notre association. Subsisteront les envois "exceptionnels" que nous avons fait récemment comme du matériel de radiographie et des équipements destinés au Centre de Cancérologie d’Erevan.

Quel était le but de votre dernière mission en Arménie ?

Nous sommes partis à quatre, les Docteurs Serge Simonian et Edouard Muratyan, médecins, le Docteur Georges Mosditchian et moi-même, chirurgiens-dentistes. Arrivés sur place, les médecins sont directement partis à l'’Institut Chirurgical Mikaelian et nous, les chirurgiens-dentistes, sommes allés à l'Hôpital Militaire de Erevan, encore appelé le "Gospital", puis à Vartenis. Nous avons fait une tournée d'’inspection, notamment à Spitak et avons enfin rencontré le Général Mikael Haroutounian qui était encore ministre de la Défense à ce moment là, remplacé depuis par Seyran Ohanian.

Quelles sont vos activités à Erevan ?

Nous intervenons actuellement sur deux sites. Par le passé, nous y avons mené plusieurs actions mais nous nous sommes concentrés maintenant sur l’'nstitut Chirurgical Mikaelian et l'’Hôpital Militaire, le "Gospital". Notre collaboration avec l’'Institut Mikaelian date de 1995. Nous y avons formé des chirurgiens à la pratique de la coeœliochirurgie et initié les médecins à la technique d'’endoscopie digestive en leur fournissant tout le matériel nécessaire. En 1998, un jumelage a été créé entre l'’Institut et l’'Hôpital Beaujon, partenariat renouvelé en 2002, et parallèlement a démarré une formation en chirurgie hépatique. En 1999, nous y avons installé un scanner de 3ème génération. Puis en 2001, nous avons mis en place l’'unité d’urgence en chirurgie de la main : "S.O.S. Mains". Enfin, nous avons installé une centrale d’'oxygène et fourni encore très récemment d’'autres endoscopes. Lors de notre dernière mission, des consultations et des interventions chirurgicales y ont été pratiquées.

Et à l'’Hôpital Militaire ?

Cette opération est plus récente. Elle a été initiée en 2006 et se poursuit actuellement encore. Dans un premier temps, nous avons fourni à l’'Hôpital Militaire deux fauteuils dentaires tout neufs que nous avons également acheté sur place, ce qui évite les problèmes de transport et de maintenance tout en faisant travailler les fournisseurs locaux. Ces fauteuils ont remplacé le matériel plus ancien qui a été transféré dans des casernes de province à Sissian et Kelbadjar en territoire azéri.

Nous avons également un programme de formation pour les stomatologistes locaux et régulièrement, les chirurgiens-dentistes de l'’UMAF par groupe de deux vont partir en Arménie et donner des cours aux praticiens réunis par l’'armée, ceci dans le but que tous les soldats, à la fin de leur service militaire soient entièrement traités du point de vue bucco-dentaire. A l’'heure où paraîtront ces lignes, plusieurs groupes seront déjà partis en mission en Arménie. C’est ce que nous avons fait cette fois ci, en débutant une série de cours au « Gospital » et à Vartenis.

Quelles sont donc les actions que vous menez actuellement hors d’Erevan ?

Nous avons principalement deux lieux où nous intervenons : l’'un dans le petit village de Norachen à l’'extrême sud-est au Karabagh, près de la ville de Hadrout, à la frontière de l'’Azerbaïdjan. Ce village est en cours de repeuplement et l'’UMAF y a installé en 2005 un dispensaire grâce avec notre ami Ara Aharonian. Nous y assurons le salaire d'’un médecin à temps partiel et celui d'’une infirmière à plein temps. Nous leur fournissons également les médicaments nécessaires que nous achetons à Erevan. Compte tenu du peu de temps dont nous disposons, nous n’'avons pas pu aller jusqu’'au Karabagh. Mais nous sommes régulièrement informés de l’'activité du dispensaire. Nous le visiterons au cours d’une prochaine mission.

Votre deuxième action ?

Nous sommes également allés à Spitak où nous gérons le dispensaire médico-pédiatrique ouvert en 2000 avec " Espoir pour l’Arménie ". Là bas, les enfants reçoivent des soins médicaux et dentaires gratuits. Nous y assurons le salaire du personnel soignant, soit deux pédiatres, deux chirurgiens-dentistes, et trois assistantes. Nous fournissons également les médicaments et le matériel dentaire nécessaire à leur activité. Leur livre de consultations est contrôlé tous les six mois et nous recevons par mail le compte-rendu de leur activité et de la consommation de médicaments.

Parlez nous des "Lunettes pour l’Arménie"

C’est une des actions dont nous sommes le plus fier. Elle a été initiée par les jeunes de l’'UMAF qui nous l'’ont proposé : il s'agit d'un dépistage des troubles de la vue par nos ophtalmologistes, avec fabrication et distribution de lunettes par nos opticiens, directement et sans intermédiaire pour les populations nécessiteuses des campagnes sous médicalisées, le tout étant bien évidemment totalement gratuit. Nous emmenons tout le matériel directement de France et cette opération mobilise de 8 à 10 personnes. Après Allaverdi au nord en 2004, Aschtarak au nord-ouest en 2005, Stepanakert au Karabagh en 2006, Chambarak à la frontière azérie au nord-est du lac Sevan en 2007, cette année la ville de Stepanavan et toute la région du Lori ont été choisies pour notre action qui se déroule toujours au mois d'août. A titre d'’exemple, pour cette année, notre équipe a travaillé avec le Fond Arménien couvrant ainsi 6 villages représentant 7 à 8000 personnes. Six infirmières avaient été formées préalablement pour dépister les problèmes de vue des enfants, 2300 ont été examinés et 440 sélectionnés pour la mission.404 enfants ont été examinés, 190 paires de lunettes fabriquées sur place et distribuées immédiatement. 1000 paires de loupes ont été également distribuées.

Quelles sont les ressources financières de l’UMAF ?

Elles sont de plusieurs origines : Tout d’'abord les cotisations de nos membres qui sont plus de 220 réguliers, les dons des laboratoires pharmaceutiques, et les donations diverses. L'’UMAF est une association habilitée à recevoir les dons et legs, et reconnue association de bienfaisance. Enfin, et c’est notre principale ressource, nous organisons à la fin du mois de novembre un grand Bal de Bienfaisance dans une salle de prestige, qui nous permet de recueillir les dons de nos membres et amis permettant ainsi de financer nos diverses actions humanitaires.

Pour l’'Arménie, quelles sont vos attentes, vos bonnes surprises, vos déceptions ?

Nous espérons pouvoir engranger une dynamique dans les personnels que nous formons pour que notre action ne soit plus qu'’un soutien matériel, dans la mesure où le système social de l’Arménie ne permet pas à tous l’'accès aux soins de 1ère nécessité. Nous avons eu toutefois d’'agréables surprises (je parle pour ma spécialité) lorsque nous avons vu travailler les stomatologistes locaux, qui produisent des soins de qualité relativement conforme à nos critères de travail. Le "Gospital" lui-même est actuellement bien équipé en matériel, et c’est pour cela que notre action va s’'orienter vers les casernes de province nettement plus démunies. Pour cela, nous avons mis au point une liste de matériel de base mais néanmoins complet, que nous avons également commandé sur place et qui sera distribué selon les besoins, dans différents services de stomatologie militaires loin de la capitale.

Concernant les "déceptions", il y a parfois un certain fatalisme que l’'on peut comprendre lorsque l'’on se remémore tout ce qu’'a subi ce malheureux pays. Il persiste également une pesanteur administrative qui peut poser problème lorsque nous envoyons nos containers ou lorsque nous emmenons le matériel nécessaire à nos activités. Je pense aux formalités douanières qui nous font perdre un temps considérable lors de notre mission "Lunettes". Enfin, il subsiste parfois aussi une certaine nonchalance qui est l'’héritage des années soviétiques. Tout ceci changera à l'’avenir, j’en suis sûr.

En conclusion ?

Nous espérons qu'’un jour, le niveau médical et social de l’'Arménie soit tel que nos interventions deviennent inutiles. Mais ce n’est pas pour tout de suite. L’'UMAF apporte une petite pierre à l'’édifice de reconstruction que représente l’'Arménie mais je pense que notre aide est utile, non seulement matériellement mais aussi moralement. Il est important que l'Arménie sache que la Diaspora est derrière elle, et pas uniquement dans le domaine médical. Rien que pour cela, notre action ainsi que celles des autres associations diasporiques doit durer dans le temps.