Que s'est-il passé, ce 12 octobre 2006 à Deir-El-Zor ?

Peut-être que le vent tourbillonnant du désert soufflait un peu plus fort? Peut-être que le sable du désert tournoyait un peu plus haut?

Probablement peu de choses ont modifié le cours du temps dans la tiédeur du désert syrien, près de cette ville qui symbolisa la fin du voyage pour tous ceux ayant survécu aux "déplacements de populations" consécutifs au premier Génocide du vingtième siècle. Le temps semble arrêté autour du mémorial que les membres de l'UMAF participant à ce pèlerinage ont pu visiter, ainsi que les environs immédiats du monument qui recèlent encore les restes d'un peuple sans sépulture.

La magnifique église, dans la ville elle-même, solennelle et sobre à la fois, montre dans son sous-sol transformé en musée les preuves de la barbarie ottomane, crime toujours impuni jusqu' aujourd'hui.

A 4000 km de là, ce même 12 octobre à Paris était voté la loi condamnant la négation du génocide arménien. Cette loi dite à tort "mémorielle" a donné lieu à une levée de boucliers unanimes condamnant son adoption par l'Assemblée Nationale française. La presse turque souligne que seuls "106 idiots" sur 577 députés ont voté cette loi. Pourquoi les députés opposés à cette même loi et qui auraient pu inverser la tendance n'étaient pas là? Pourquoi devons nous encore et toujours nous justifier et défendre la mémoire de nos parents face à nos détracteurs disant qu'il ne faut pas empêcher les historiens dans leurs travaux de recherches?

Pourtant, elle est là, l'histoire, sous nos yeux, palpable, visible. Il suffit de gratter la terre de Deir-El-Zor pour avoir les preuves incontestables de ce génocide toujours non reconnu par les autorités du pays responsable. Au lieu de consulter des archives ottomanes probablement tronquées, voire truquées, ces mêmes historiens verraient à Deir El Zor pourquoi il est intolérable, aux yeux des arméniens, que la réalité du Génocide puisse être contestée de quelque manière que ce soit.

Il n'en est pas moins vrai que nous devons, nous tous arméniens, expliquer à nos amis français le sens réel de cette loi pour ne pas laisser profaner une fois encore la mémoire de nos parents disparus, victimes du Génocide.

L'UMAF, par sa position dans la société française et arménienne, doit par l'intermédiaire de ses membres être l'un des vecteurs de la compréhension de cette loi qui ne fait que nous protéger contre les négationnistes de tout genre. Cette loi ne concerne pas uniquement les arméniens, mais réprime la négation d'un crime contre l'humanité toute entière.

Et quand un jour peut-être, ce crime sera enfin reconnu par les autorités responsables, le vent qui soufflait plus fort sur le désert de Deir-El-Zor se calmera, le sable ne tourbillonnera plus et l'âme de ce peuple martyr pourra reposer enfin en paix dans le désert syrien.
Docteur Frédéric MANOUKIAN
Président de l'UMAF-Paris