Malheureusement, je ne suis pas l'auteur de cette très belle phrase. Je l'ai empruntée au dialogue du remarquable film de Viguen Tchaldranian, "La Symphonie du Silence". Elle m'est venue à l'esprit au moment où l'un des membres de l'UMAF participant à la mission "Lunettes pour l'Arménie" a remis une paire de lunettes correctrices adaptée à un monsieur âgé. Il 'y a pas eu de réelle larme, les hommes d'Arménie ne pleurent pas, mais ses yeux étaient vraiment brillants d'une profonde émotion et de contentement mêlés. Un nouvel univers s'ouvrait devant lui, et le fait de pouvoir lire sans difficulté, voir un monde sous un nouvel éclairage va probablement adoucir ses vieux jours.

Nous avons, dans les précédents articles du journal, expliqué le principe des "Lunettes pour l'Arménie." En quelques mots, une équipe de l'UMAF encadrée par les Docteurs Artinian et Ohanian et par Mlle Florence Artinian, opticienne, se rend avec tout le matériel nécessaire dans les villes ou villages les plus reculées de l'Arménie pour y effectuer des bilans oculaires et fabriquer immédiatement sur place des lunettes correctrices adaptées. Ces lunettes sont ensuite remises gratuitement à leur destinataire. L'UMAF dispose également de loupes de correction qui sont données aux nécessiteux. Cette opération existe depuis 3 ans, successivement à Allaverdi dans le nord de l'Arménie, à Achtarak au nord ouest de Erevan et à Stepanakert au Karabagh.

Cette année, l'opération humanitaire avait été organisée à Chambarak, un petit village perdu au nord-est du lac Sevan, tout contre l'Azerbaïdjan. Cette commune perdue en pleine montagne, toute proche d'une frontière hostile est très isolée. Y accéder, compte tenu de l'état des routes qui n'ont pas encore été rénovées, reste déjà difficile en été. Vous pouvez aisément imaginer ce que nos amis qui ont préalablement visité l'endroit pour mettre cette mission sur pied ont dû ressentir lors de leur première venue en ces lieux durant l'hiver. Il y a ainsi malheureusement beaucoup de villages en Arménie oubliés du pouvoir central et qui ne peuvent compter que sur eux-mêmes pour vivre ou parfois simplement survivre.

L'UMAF cherche ainsi des endroits où les habitants ne voient pas régulièrement de médecin et ne peuvent supporter le coût d'une paire de lunettes. Malheureusement, notre association ne peut intervenir en tous lieux à la fois et compte tenu de l'énergie nécessaire à nos membres pour mener à bien une telle mission, elle ne peut être organisée qu'une fois dans l'année, préférentiellement à la belle saison pour des raisons de logistique. Cependant, malgré toutes les difficultés que cela représente, cette opération "Lunettes pour l'Arménie" qui a été initiée par les jeunes de l'UMAF, est une réussite dont nous sommes très fiers et qui se renouvellera dans le futur.

On dit souvent que les yeux des Arméniens pleurent. Ils portent en eux tous les malheurs de l'Arménie. Cette fois peut-être, si une larme pouvait parler, elle pourrait enfin exprimer un sentiment de bonheur et de joie.

Docteur Frédéric MANOUKIAN
Président de l'UMAF-Paris