Il est des anniversaires que nous préférerions ne pas avoir à commémorer. Mais il se trouve qu’il y a vingt ans, le 7 décembre 1988 à 11 heures 41 précises, un tremblement de terre d’une terrible amplitude secouait la terre arménienne. Après les chiffres fantaisistes donnés au début de cette tragédie, le bilan définitif s’établissait à 25000 victimes, sans compter les 15500 blessés, les orphelins et l’infrastructure détruite. La chute de l’URSS qui suivit n’arrangea pas la situation. 25000 victimes pour un pays de 3 millions d’habitants, cela représenterait pour la population française environ 550000 personnes sur 65 millions d’habitants.

La difficile terre d’Arménie, le "Karastan" qui a valu de part sa situation géostratégique les pires ennuis à son peuple, coincée qu’il était entre les empires russes et ottomans, était également trahie par son sous sol, à la rencontre des plaques tectoniques eurasienne et arabique. Vingt ans après donc, quelle est la situation ?

La reconstruction a commencé timidement à la fin de l’ère soviétique. Le tremblement de terre de Tachkent en 1966, comparable en amplitude mais bien inférieur en nombre de victimes, fut très destructeur du point de vue équipement. C’était encore l’époque dorée de l’URSS, toutes les républiques offrirent "spontanément" leur aide et la reconstruction de la capitale de l’Ouzbékistan fut très rapide. Rien de tout ça en Arménie. Gorbatchev avait d’autres chats à fouetter que de s’occuper d’une république dissipée qui demandait de surcroit le rattachement du Karabagh à son propre territoire. Et l’URSS tomba.

Il aura fallu vingt ans pour que les traces du séisme disparaissent. Etonnamment, à Spitak où l’UMAF gère le dispensaire médico-pédiatrique avec "Espoir pour l’Arménie", la reconstruction semble achevée, ainsi qu’à Vanadzor où l’UMAF avait créé immédiatement après le tremblement de terre une consultation médicale et dentaire dans le cadre d’une polyclinique.

A Gumri, ville dont l’UMAF aide la maternité en fournissant des produits à usage unique ainsi qu’un autoclave il y a peu de temps, la situation n’est pas rétablie entièrement. Il subsiste encore de nombreux "domiks", ces petits logements de fortune créés dans de larges cylindres de tôle qui abritent encore les habitants n’ayant pu bénéficier de la reconstruction qui progresse, certes mais encore insuffisamment.

Stépanavan, la ville que l’UMAF avait choisi cette année pour son opération "Lunettes" avait également été rudement touchée par le séisme. Heureusement que l’aide des pays occidentaux, des villes jumelées avec les villes arméniennes, des ONG ont contribué à soutenir ce pays sur lequel le malheur semble s’acharner depuis de longues années.



A l’heure où j’écris ces lignes, il semblerait que les présidents arménien et azéri aient accepté, de trouver une solution politique et non militaire au problème du Karabagh sous l’égide du groupe de Minsk. Les tentatives de rapprochement avec la Turquie, bien que fortement contestées en diaspora et dans le pays même pourraient améliorer la situation générale. Si la politique intérieure de l’Arménie restait calme comme elle semble l’être actuellement, alors tous les espoirs lui sont permis.

L’Arménie est une terre pluriséculaire. Les arméniens sont des gens courageux, ils en ont vu malheureusement d’autres. Tout ce qu’ils souhaitent, c’est vivre dignement de leur travail, aidés par une diaspora dont le rôle devra durer tant que les situations intérieure et extérieure ne seront pas normalisées à tous points de vue.

Docteur Frédéric MANOUKIAN
Président de l'UMAF-Paris